JO 2024. À Colombes, le hockey sur gazon au stade des ambitions
Le stade Yves-du-Manoir de Colombes, dans les Hauts-de-Seine, accueillera les matches de hockey sur gazon aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Un évènement majeur pour une enceinte mythique et un sport en quête d’expansion. De là à faire de Colombes une vitrine du hockey sur gazon ?
Du hockey sur gazon, à Colombes, aux Jeux Olympiques de 2024 ? « Je ne sais pas si je serai là pour voir cela… Mais j’ai connu les compétitions d’avant, oui ! J’ai même une photo du Général de Gaulle, avec la coupe ! », s’exclame Simone, devant l’arrêt « Audra », à deux pas du stade. On lui aurait bien demandé son âge, et quelle coupe, et plus de détails encore : la voilà qui s’engouffre dans le bus.
C’est assez, toutefois, pour se faire une idée de l’héritage transversal dans le temps qu’incarne le stade Yves-du-Manoir, sorte d’écrin fantôme surplombant cette ville de la banlieue nord-ouest de Paris. Renommé ainsi en hommage à un rugbyman du coin décédé dans un accident d’avion, il faisait office de stade principal lors des Jeux Olympiques de Paris en 1924. Propriété du Conseil régional des Hauts-de-Seine depuis 2002, il est désormais en travaux ; en témoignent les deux ouvriers en orange fluo qui s’affairent sous le soleil, et sur le gravillon, dans la cour de l’enceinte. Une fois terminé, il sera prêt pour accueillir la compétition de hockey sur gazon des Jeux Olympiques de Paris de 2024. Une capacité estimée à 15 000 spectateurs, voilà pour l’affluence. Côté symbole, c’est surtout un immanquable centenaire pour la ville.
« Pour dire la vérité, je m’en fous un peu ! »
Difficile pourtant de faire de Colombes, pour l’instant, un temple du hockey sur gazon. Mehdi, 26 ans, n’a pas entendu parler d’une compétition olympique au stade Yves-le-Manoir en 2024. Le jeune homme, franchise affirmée, avoue : « Moi, j’y ai joué au foot avec les potes quand j’étais petit, mais c’est passé maintenant ! Pour dire la vérité, je m’en fous un peu ! »
« L’objectif, c’est de donner de plus en plus de visibilité au hockey sur gazon, pour que la commune soit recentrée sur le sport », Armand Bouzaglou, responsable des sports scolaires de Colombes.
Armand Bouzaglou se veut lui un peu plus optimiste. Le responsable du sport scolaire de la ville détaille : « On a mis en place la pratique chez les CM1 et CM2, ainsi qu’au centre sportif, au gymnase Ambroise Paré, qui accueille des jeunes de 7 à 11 ans le mercredi. On avait auparavant lancé l’unihockey (sorte de hockey d’intérieur adapté à la pratique scolaire). »
Aux abords du stade, une classe marche en file indienne sur le trottoir, ballons de foot dans les mains. L’enceinte arbore les couleurs ciel et blanc du club de rugby du Racing 92, résidant jusqu’en décembre 2017. Pas évident, donc, de se faire une place pour le sport à la crosse. « L’objectif, c’est de donner de plus en plus de visibilité au hockey sur gazon, pour que la commune soit recentrée sur le sport », explique Armand Bouzaglou. Accueillir les matches des JO 2024 est une aubaine pour la ville, encore plus dans un stade avec une histoire forte : « Même si le stade a perdu de sa notoriété, dans la mémoire des gens, cela reste le stade qui a accueilli l’édition des JO 1924 ».
« Quand on évoque Colombes, le stade Yves-du-Manoir, ça parle aux rugbymen, aux footballeurs, et aux anciens qui ont connu les compétitions », ajoute Bastien Cauderlier, chargé de mission compétition et arbitrage à la Fédération Française de Hockey (FFH). Colombes pourrait même voir déménager le siège de la Fédération de Hockey chez elle, et voir un centre d’entraînement de haut-niveau sortir de terre, un projet qui « en est à ses balbutiements », tempère-t-il.
« Je pense que le foot et le rugby reprendront leur place après les JO »
« Pour l’instant, les gens ont hâte de savoir comment vont être transformées les installations. On attend de voir la maquette », explique Armand Bouzaglou. Le site devrait proposer des installations modulables, pour accueillir du football après l’olympiade. Un signe qu’on ne croit pas à la pérennité de la pratique à Colombes ? « Je pense que le foot et le rugby reprendront leur place après les JO », tranche le responsable du sport scolaire. « Pour l’instant, les enfants aiment jouer au hockey, même si c’est un sport qu’ils ne connaissaient pas du tout. Cela dépendra beaucoup des résultats de l’Equipe de France masculine. S’ils font des grosses performance, ça peut permettre à ce sport d’être un peu plus visible ».
« Je suis au courant pour le hockey sur gazon depuis 4, 5 mois, car mon mari travaille à la mairie… » avance Marie-Anne, 59 ans, croisée au détour d’une rue adjacente au stade. Elle pointe du doigt un immeuble, séparé du stade Yves-du-Manoir par un city stade. Avant de glisser, dans un sourire farceur : « Je n’aurai qu’à ouvrir ma fenêtre, pour voir le terrain ».
Focus : le hockey sur gazon en France, ça donne quoi ?
Le hockey sur gazon a besoin d’un coup de projecteur ? Il a récolté un peu de lumière, en décembre dernier, à la faveur d’une Coupe du Monde réussie en Inde : l’équipe de France masculine a atteint le premier quart de finale de son histoire, avec à son tableau de chasse le scalp des champions olympiques argentins (5-3). Aux critères de spectacle et de nouveauté, le hockey sur gazon fait bonne figure : « C’est un sport collectif qui empreinte plusieurs traits au football, comme la taille des terrains et le nombre de joueurs (11 contre 11). Mais il ressemble aussi au handball, avec par exemple les changements à la volée », pense Bastien Cauderlier. « C’est un sport très spectaculaire, qui peut aller très vite. C’est télégénique, avec les synthétiques qui sont désormais de couleur bleue, et qui permettent un meilleur suivi de la balle ». Il continue : « Lors des derniers Jeux Olympiques à Rio, France Télévisions a diffusé la finale masculine, je crois même en prime time…on a reçu pas mal de questions sur les réseaux sociaux, alors que cela se passait au Brésil, et que l’équipe de France n’était même pas concernée ! »
« C’est un sport olympique, mais notre dernière participation remonte aux Jeux de Munich en 1972 », nuance Cauderlier. Qualifié d’office pour l’olympiade en France, le hockey sur gazon rêve de développement : « On veut doubler notre nombre de licenciés d’ici 2024 (il n’est que de 12 000 aujourd’hui en France)« , lance-t-il. Ce sport rêve d’attention, surtout. En hockey sur gazon, l’herbe est plus verte ailleurs qu’en France, en Belgique et aux Pays-Bas, en Océanie ou en Asie par exemple. Dans l’hexagone, la pratique demeure confidentielle.
À l’instar de nombreux sports, le hockey sur gazon a besoin de se structurer pour exister. « On se projette déjà vers Paris 2024 avec des plus gros moyens attribués aux équipes nationales », note Bastien Cauderlier. On ne veut pas se contenter d’être à Paris. La performance passe par une médaille aux Jeux. L’équipe de France masculine visera une médaille, un top 8 pour l’équipe féminine » déclare-t-il.
Le chemin vers Paris 2024 passe par Tokyo 2020. L’équipe de France masculine disputera un tournoi préolympique au Touquet, mi-juin. Colombes a le temps et le stade pour faire germer ses ambitions.
Jérémy NÉDÉLEC.